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Journée mondiale du recyclage

La consigne pour recyclage, une "fausse solution" pour lutter contre le plastique ?

L'Union européenne a annoncé début mars vouloir généraliser d'ici 2029 la consigne pour les bouteilles en plastique et les canettes. Si les autorités européennes vantent les chiffres du recyclage des pays qui l'ont déjà adoptée, des associations de défense de l'environnement dénoncent de leur côté une "fausse solution", qui ne "s'attaque pas au vrai problème". Décryptage.

Un homme collecte des bouteilles usagers pour les rendre en consigne, le 17 janvier 2019 à Berlin, en Allemagne.
Un homme collecte des bouteilles usagées pour les rendre en consigne, le 17 janvier 2019 à Berlin, en Allemagne. © David Gannon, AFP
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L'Union européenne veut devenir une bonne élève de la lutte contre la pollution plastique. Lundi 4 mars, les Vingt-Sept ont annoncé une série de mesures pour verdir leurs déchets d'emballage avec des objectifs ambitieux : parvenir à tous les recycler d'ici 2035 et diminuer leur volume de 15 % d'ici 2040. Un défi de taille alors qu'un Européen générait en moyenne 188,7 kg de déchets d'emballage en 2021 – soit un bond de 32 kg en une décennie –, selon Eurostat, et que seulement 64 % d'entre eux sont aujourd'hui recyclés. 

Or, parmi les gobelets, colis, barquettes et autres déchets, deux types d'emballage viennent particulièrement remplir les poubelles européennes : les bouteilles en plastique et les canettes. Rien qu'en France, on estime que 340 000 tonnes de bouteilles en plastique ont été mises sur le marché en 2022 pour seulement 50 % recyclées, chiffre l'Ademe

Pour pallier ce problème spécifique, le texte de l'UE propose de généraliser un système de consigne d'ici 2029. Les bouteilles en plastique et les canettes seraient vendues quelques centimes plus cher, environ 5 à 10 % du prix, mais ce surplus serait restitué au moment où le consommateur rapporterait le contenant usagé dans un point de collecte. Un procédé déjà bien connu et mis en place dans une quinzaine d'États comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou encore les pays scandinaves. 

Des taux de recyclage record

Dans l'ensemble des pays où la consigne est déjà installée, l'Union européenne met en avant des taux de recyclage record. En Allemagne, tous les supermarchés disposent depuis 2003 de machines dédiées au "Pfand" pour collecter les bouteilles en plastique, en verre et les canettes. Et si les consommateurs n'ont aucune obligation de le faire, le geste est totalement entré dans les mœurs. Certains, surnommés les "Pfandsammler", "les chasseurs de consignes", s'affairent même à débarrasser les rues de ces contenants usagés pour arrondir leurs fins de mois. Au total, jusqu'à 98,5 % des bouteilles et canettes sont ainsi recyclées outre-Rhin, selon le centre européen de la consommation.

Même constat dans les pays nordiques. En Suède, les canettes sont consignées depuis 1984 et les bouteilles en plastique depuis 1994. Chaque année, le pays en recycle plus de deux milliards, assure le gouvernement. En Norvège, le système est un peu différent : les emballages de boissons sont soumis à une taxe environnementale mais le montant de cette taxe diminue lorsque le taux de collecte augmente. Cette mesure a incité les producteurs et distributeurs à mettre en place un système de consigne dès 1999 et là aussi, le taux de recyclage des verres et bouteilles avoisine les 90 %.

Quels pays ont déjà instauré la consigne ?
Quels pays ont déjà instauré la consigne ? © ENTR

"Cela ne changera rien au parcours d'une bouteille en plastique"

Cette mesure n'est pourtant pas une "solution miracle", dénonce Manon Richert, chargée de communication pour l'ONG Zero Waste France. "Ce système peut, certes, permettre d'améliorer les chiffres du recyclage mais il ne vise pas le vrai objectif que nous devons avoir : celui de baisser drastiquement notre production de plastique."

"En soi, c'est juste une autre façon de trier ses emballages mais cela ne changera rien au parcours d'une bouteille en plastique", précise-t-elle. Une fois consignée, elle aura en effet le même destin que celle jetée aujourd'hui dans une poubelle de recyclage traditionnelle. Elle sera récupérée pour être acheminée dans une usine de traitement des déchets. Certaines, en plastique PET, pourront servir à fabriquer de nouvelles bouteilles. D'autres seront transformées en paillettes et revendues pour fabriquer du polyester, notamment en Asie. "Des processus qui nécessitent beaucoup d'eau et d'énergie et qui génèrent des microplastiques", rappelle Manon Richert. 

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Selon l'activiste, la mise en place de la consigne pourrait surtout entraîner un "effet rebond", et à l'inverse de l'objectif affiché par l'UE, inciter les consommateurs à continuer à acheter des bouteilles en plastique. "On nous abreuve depuis des années d'un discours qui présente le tri des déchets et le recyclage comme un geste écolo facile et on véhicule l'idée que ce n'est pas si grave d'acheter du plastique si on le recycle. Et là, on va venir ajouter un intérêt financier", explique-t-elle. "Cela pourrait donc avoir un effet pervers et favoriser la consommation de bouteilles en plastique." 

Son inquiétude se vérifie déjà en Allemagne. Alors que la loi passée en 2003 visait à réduire les contenants à usage unique à 20 % du marché, c'est l'inverse qui s'est produit. Les bouteilles en plastique à usage unique connaissent un essor croissant. Elles représentent aujourd'hui 71 % du marché, contre 40 % il y a dix ans, selon une étude de l’Université de Halle-Wittenberg menée en 2021. "Il semble que l’introduction d’un système de consigne à usage unique favorise un mode de pensée étroit et une concentration sur le recyclage, ce qui entrave la revitalisation des contenants à usages multiples", conclut le texte. 

Une bataille d'intérêts financiers

"Derrière la consigne pour recyclage, c'est plus une bataille d'intérêts financiers qu'une question environnementale qui se joue", tance Manon Richert. Depuis plusieurs années, les politiques se font de plus en plus offensives pour obliger les industriels à utiliser une part grandissante de plastique recyclé dans leur production. La demande se fait donc de plus en plus forte et le matériau devient de plus en plus cher. 

Or, collecter plus de bouteilles et donc en recycler davantage permettrait mécaniquement d'augmenter la quantité de plastique recyclé disponible et donc de faire baisser son prix. "Pas vraiment, donc, de quoi les encourager à réduire leur production", déplore Manon Richert. "Au final, cette mesure risquerait d'entretenir le cycle de production du plastique alors qu'il faut le briser", résume-t-elle. 

Sans compter qu'en France, par exemple, où le débat sur la consigne est vif, le tri et la collecte des déchets sont aujourd'hui gérés par les collectivités territoriales. Ce sont donc elles qui les revendent aux recycleurs. En passant à un système de consigne, la gestion de ces plastiques reviendrait aux industriels. Ils récupéreraient donc, dans le même temps, cette manne financière.

"Les industriels ne vont pas s'enrichir", rétorque auprès du journal Le Figaro Hélène Courades, directrice générale de Boissons rafraîchissantes de France, qui regroupe les géants de la boisson dont Coca-Cola et Pepsi. Elle assure que "la revente de cette matière permettrait de financer le système."

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Valoriser le réemploi

Zero Waste France, à l'instar d'autres organisations de défense de l'environnement, milite de son côté activement pour privilégier un autre système : une consigne pour réemploi, principalement du verre. "Cela existait en France jusqu'aux années 1980. L'idée est de récupérer les contenants pour les laver et les réutiliser tel quel selon le principe de l'économie circulaire", précise Manon Richert. 

"Si cela était organisé à l'échelle locale avec, par exemple, une optimisation et une mutualisation des transports, l'impact environnemental et social serait très bénéfique", assure-t-elle. Mais si des initiatives locales et associatives se multiplient ces dernières années, le système peine à s'imposer dans le discours politique. "Cela nécessite un vrai changement de paradigme et une véritable volonté de l'État", poursuit Manon Richert. "Mais c'est ce genre de mesure qui peut vraiment aller au bout de notre ambition de sortir du tout jetable et l'addiction au plastique."

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